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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 13:14

Je recommande ce polar orignal et très bien écrit; à lire sans modération !

Editions Ravet-Anceau 

parution mars 2011

 

http://images.epagine.fr/712/9782359731712_1_m.jpg

 

http://placedeslibraires.epagine.fr/9782359731712-le-tresor-de-la-baie-de-somme-thelen-jacques/

 

Un extrait : 

Jacques Thelen

Le trésor

de la baie

de Somme

Collection polars en nord

dirigée par Gilles Guillon© 2011, Éditions Ravet-Anceau

5, rue de Fives, BP 70123, 59651 Villeneuve-d’Ascq Cedex.

ISBNþþ: 978-2-35973-170-5

EANþþ: 9782359731705

ISSNþþ: 1951-5782Dédicace ?9

Chapitreþ1

Max von Graffenstadt tourna la tête et jeta un regard ter-

rifié derrière lui.

À bout de souffle, il avait de plus en plus de mal à courir

mais il entendait le bruit de cette ordure de Hermann et de

son chien, tout près, à quelques pas.

Ce  salaud  le  surveillait  certainement  depuis  plusieurs

semaines et devait avoir eu des informations précises pour

lui être tombé dessus aussi vite.

II  dépassa  le  quartier  de  l’Aviation,  sortit  du  Crotoy  et

pensa  que  ce  n’était  pas  vraiment  une  bonne  idée  de  se

diriger  vers  le  Bout  des  Crocs.  En  pleine  campagne,  il

n’avait aucune chance d’échapper à un SS bien entraîné et

en pleine forme. Max était ingénieur. Dans l’Organisation

Todt  certes,  mais  ingénieur,  pas  champion  de  course  à

pied.

Il se demanda si on l’avait donné. En tous cas, ce fouille-

merde  avait  su  presque  immédiatement  que  Max  était

mouillé dans l’attentat.

Chez les Graffenstadt, on avait vu d’un très mauvais œil

la  fulgurance  avec  laquelle  l’Autrichien,  même  pas  fichu

de parler «þhochdeutschþ» correctement, s’était emparé du

pouvoir.

Le père de Max, vieil aristocrate wurtembergeois, archi-

tecte  et  artiste,  amoureux  de  littérature  et  de  musique,

avait  tout  compris  quand  on  lui  avait  appris  les  premiers

autodafés.  Pour  lui,  c’était  clair,  on  ne  pouvait  pas  brûler10

des livres et jouir d’un cerveau en état de fonctionner nor-

malement. Il fallait être un idiot, un salaud ou les deux.

Quant  à  Max,  jeune,  idéaliste,  épris  d’absolu,  à  peine

son  diplôme  d’ingénieur  en  poche,  on  lui  avait  fait  com-

prendre  que  s’il  ne  voulait  pas  que  la  vie  de  ses  proches

devienne vite insupportable, il lui fallait mettre ses talents

au service du Reich immortel. Il avait sauté dans un train

et  était  allé  se  présenter  à  Fritz  Todt,  relation  d’un  de  ses

professeurs, pour se mettre à la disposition de son organi-

sation.  Il  avait  construit  des  autoroutes,  des  usines,  des

bases,  des fortifications mais,  heureusement pour  lui –  sa

famille  étant  considérée  avec  méfiance  –,  il  n’était  jamais

intervenu  sur  les  projets  de  camps  de  concentration  ou

d’extermination  pour  lesquels  on  ne  choisissait  que  les

plus fanatiques.

Il avait compris pourquoi son père avait semblé presque

soulagé quand un cancer l’avait emporté en trois mois, lui

évitant de voir le pays de Goethe et de Kant sombrer dans

la  barbarie  et  la  honte.  Depuis,  Max,  contraint  et  forcé,

poursuivait  son  travail  sans  enthousiasme,  sachant  bien

que le moindre soupçon se transformerait immédiatement

en aller simple pour le front de l’Est.

Juste  avant  d’être  envoyé  en  Picardie,  il  avait  épousé

Maria,  une  adorable  biologiste  dont  il  était  tombé  amou-

reux à leur première rencontre à côté du château familial,

près de Lindau, où elle faisait des recherches sur les espè-

ces  de  poissons  vivant  dans  le  lac  de  Constance.  Fille  de

diplomate, Maria avait fait une grande partie de ses études

en France et elle en avait gardé une grande tendresse pour

ce  pays.  Lorsque  le  Führer,  poursuivant  son  obsession

maniaque,  avait  décidé  de  venger  1918,  cela  n’avait  pas

amélioré le moral de Max. Voyant les proportions crépus-

culaires   du   cauchemar,   il   avait   décidé   de   donner   de

sérieux  coups  de  main  à  la  Résistance  française.  De  la

même  façon,  en  accord  avec  sa  femme,  il  n’avait  pas

hésité  à  se  ranger  aux  côtés  des  conjurés  de  Stauffenberg

et de Canaris.

Malheureusement, c’était officiel, le coup était raté. Hitler

l’avait  échappé  de  peu  et  la  confusion  ayant  amené  les11

complices à se dévoiler trop tôt, il n’y avait aucune pitié à

attendre. Max savait qu’il n’y aurait pas de quartier et que

l’autre  ne  le  coursait  pas  pour  lui  demander  des  explica-

tions.  C’était  pour  le  tuer  s’il  était  derrière  lui.  Max  se  dit

qu’il devait déjà jouir, certain de son impunité. On le féli-

citerait sans être trop regardant sur la façon dont il aurait

débarrassé le Vaterland d’un sale traître. Malgré sa peur, à

cet instant précis, il se dit qu’il avait eu raison de faciliter

la  fuite  des  résistants  et  de  participer  au  complot,  même

de loin. Ce sera difficile d’être allemand quand toute cette

absurdité sera terminée.

Il  avait  l’impression  que  ses  poumons  allaient  éclater,

tellement il avait couru.

Trébuchant sur une borne de cadastre, il s’étala de tout

son  long  sur  la  terre  détrempée  d’un  champ  juste  mois-

sonné.  Il  voulut  se  relever,  sentit  une  affreuse  douleur

dans  sa  cheville  gauche  et  retomba  de  tout  son  poids.  Il

entendit  la  course  du  SS  Unterscharführer  se  rapprocher

et  ressentit  une  violente  douleur  dans  le  bras  quand  le

chien y planta ses dents.

Il eut le temps de se dire qu’il avait bien fait de confier,

par  précaution,  son  journal,  si  précieux  désormais,  à  son

ami Wilfrid. Ce dernier venait de bénéficier d’une permis-

sion  inespérée  pour  aller  enterrer  sa  mère,  amie  de  la

femme de Goering. Si tout s’était déroulé comme prévu, le

journal devait être entre les mains de Maria depuis un jour

ou   deux.   Du   moins   l’espérait-il,   car   à   cette   heure-ci,

Wilfrid,  également  conjuré,  n’était  plus  en  mesure  de

remettre  à  quiconque  autre  chose  que  son  âme  entre  les

mains  de  Dieu.  Il  entendit  le  porc  en  uniforme  noir  se

pencher vers lui, pensa une dernière fois à sa femme ché-

rie  qu’il  avait  tant  aimée  et  finalement  si  peu  vue,  se  dit

que  ce  chien  puait  vraiment  de  la  gueule  et  sentit  plus

qu’il  n’entendit  Hermann  appuyer  sur  la  détente  de  son

Lüger en le traitant de Schwein Hund.

Quand  10þheures  sonnèrent  au  clocher  de  Saint-Quentin-

en-Tourmont, Max von Graffenstadt était mort et le calme

était  déjà  retombé  sur  la  nuit  d’été  et  la  mélancolie  de  la

Picardie maritime.12

Chapitreþ2

Occupé  à  relire  pour  la  troisième  fois  le  journal  du

matin, Lemercier reconnut sans hésitation les deux coups

discrets frappés à la porte de son bureau.

–þEntrez, Raymond.

La  silhouette  familière  de  l’huissier,  traditionnellement

vêtu de noir, se détacha dans le rectangle de lumière des-

siné par la porte ouverte.

–þBonjour, monsieur le divisionnaire.

–þEntrez,  entrez,  mon  vieux.  Alors  comment  ça  va  ce

matinþ? Et votre gamin, toujours la coquelucheþ?

–þÇa  va  beaucoup  mieux,  merci.  Le  docteur  pense  qu’il

pourra retourner à l’école dès lundi.

–þBien, bien… Qu’est-ce qui vous amèneþ?

–þC’est  le  directeur  de  cabinet  du  ministre,  M.þCazier.  Il

souhaiterait vous voir dans son bureau.

–þTiens.  Il  s’est  souvenu  que  j’existeþ?  Et  vous  savez  ce

qu’il me veutþ?

–þUne histoire de décoration à titre posthume, je crois…

–þBon. Merci mon vieux. J’y vais immédiatement.

Lemercier jeta un regard sur son journal. La photo d’un

homme  d’une  trentaine  d’années  remplissait  toute  la

une.  Celle  du  brigadier-chef  Naudet.  Tué  par  balle  dans

l’exercice  de  ses  fonctions  pendant  l’assaut  du  garage  où

s’étaient  planqués  les  membres  de  ce  qu’on  appelait  «þle

gang des plastiqueursþ». Il relut l’article en secouant la tête

avec un air de dépit. Le journaliste y allait allègrement du

couplet habituel sur le dévouement, la bravoure des forces

de police et il n’avait pas de mots assez durs pour fustiger

la lâcheté et la brutalité des malfrats qui avaient descendu

Naudet.  Par  contre,  pas  un  mot  sur  les  circonstances

désastreuses  ayant  provoqué  la  mort  du  fonctionnaire.

Pour  se  faire  bien  voir  du  président  de  la  République,

un  directeur  trop  pressé  avait  donné  un  ordre  d’attaque

stupide,   sans   prendre   la   précaution   élémentaire   de

coordonner l’action avec les gendarmes qui piégeaient les13

malfaiteurs  depuis  plusieurs  jours.  Et  le  pire  s’était  pro-

duit. Dans la confusion, les bandits avaient réussi à pren-

dre  la  fuite  et  au  cours  de  l’échange  de  tirs,  Naudet  avait

été  mortellement  touché.  Si  cette  version  ne  se  trouvait

pas  dans  la  presse,  c’était  parce  que  la  présidence  faisait

tout  son  possible  pour  l’étouffer.  Par  contre,  elle  était

omniprésente  chez  les  policiers  et  les  gendarmes.  À  tous

les échelons de la hiérarchie. Ce qui n’aidait vraiment pas

à  améliorer  un  moral  de  troupes,  largement  dans  les

chaussettes depuis les décisions catastrophiques dues à la

nouvelle  politique  sécuritaire.  L’article  précisait  que  les

obsèques  du  brigadier-chef  devaient  se  dérouler  l’après-

midi même.

–þTiens,  tiens.  Le  président  est  en  voyage,  quelque  part

en Afrique, et  ne peut  donc  pas être présent à la cérémo-

nie. Et ça ne m’étonnerait pas que le courageux ministre et

son  chef  de  cabinet  ne  soient  pas  très  désireux  d’aller

affronter  la  bronca  des  policiers  excédés.  Et  si  on  pariait

qu’ils  ont  songé  à  pépère  pour  aller  se  faire  engueuler  à

leur place…

Le  commissaire  divisionnaire  Lemercier  venait  d’avoir

46þans,  ce  que  laissaient  deviner  sa  silhouette,  un  peu

ronde  pour  sa  taille  moyenne,  et  une  calvitie  déjà  bien

prononcée. On peut dire qu’il était globalement assez mal-

heureux  dans  son  bureau  de  la  place  Beauvau.  Il  n’avait

jamais été dupe des raisons de sa nomination au cabinet.

Il  savait  qu’il  était  très  apprécié  des  hommes,  son  nom

seul étant déjà légendaire dans la police. En 1962, son père

avait  fait  capoter  la  plus  grave  tentative  d’assassinat  du

général  de  Gaulle  par  celui  qui  se  faisait  appeler  «þLe

Chacalþ».  Tout  le  monde  savait  également  qu’il  n’avait

jamais lâché un équipier, préférant risquer sa peau plutôt

que de perdre un homme en opération. Ce qui ne lui était

presque jamais arrivé, car il avait la réputation de préparer

ses interventions avec une implacable minutie et un souci

maniaque  de  préserver  les  vies.  Celles  de  ses  hommes,

mais aussi celles des truands…

Si  les  politiques  étaient  venus  le  chercher  à  la  brigade

criminelle qu’il commandait depuis plus de dix ans, c’était14

uniquement  pour  s’en  servir  comme  paravent.  Pour  don-

ner provisoirement confiance aux organisations syndicales

professionnelles  et  leur  faire  avaler  une  politique  mar-

quée,  avant  tout,  par  le  mépris  des  éléments  de  base.

Aussi,  depuis  plus  d’un  an  qu’il  était  là,  on  l’envoyait  de

temps  en  temps  pour  prononcer  un  discours  à  l’école  de

police, faire une intervention dans des lycées et des collè-

ges où même les gamins les plus excités avaient un respect

instinctif pour celui qu’on nommait, à juste titre, un grand

flic.

Lui  qui  savait,  pour  l’avoir  côtoyé,  ce  qu’était  le  vrai

danger  et  par  voie  de  conséquence,  le  vrai  courage,  était

de  plus  en  plus  fatigué  des  interminables  manœuvres

minables des hauts fonctionnaires du ministère. De vérita-

bles  enfantillages,  le  plus  souvent  pour  des  stupidités

comme  des  priorités  de  protocole,  des  invitations  à  des

réceptions  peuplées  de  personnalités  importantes,  ou  la

garantie  de  voyager  dans  l’avion  du  président  lors  des

voyages officiels.

Il  songea  en  riant  qu’aujourd’hui,  vu  les  circonstances,

on manquait certainement de volontaires pour aller para-

der  aux  obsèques  de  Naudet  dans  la  voiture  du  ministre.

D’où,  très  vraisemblablement,  cette  soudaine  sollicitude

de Cazier.

Il  descendit  sans  trop  se  presser  les  escaliers  menant  à

l’étage  «þchicþ».  Celui  des  bureaux  du  ministre  et  de  ses

plus  proches  collaborateurs.  Et  chaque  fois  qu’il  croisait

un planton, derrière la rigueur du salut réglementaire, il y

avait un regard chaleureux, un sourire sympathique.

–þEntrez  Lemercier,  entrez,  cher  ami.  Comment  allez-

vous ce matinþ?

–þPas mal, monsieur le chef de cabinet, pas mal du tout.

–þBien. Cher ami, je vous remercie d’être venu si vite.

–þC’est  tout  naturel.  Il  se  trouve  que  je  n’étais  pas  trop

bousculé, ce matin…

Cazier  se  demanda  si  c’était  du  lard  ou  du  cochonþ;

Lemercier   continuait   à   le   regarder   imperturbablement

avec son sourire respectueux.15

–þTant  mieux.  Tant  mieux.  Parce  que  nous  avons  un

petit problème et nous avons songé que vous étiez la per-

sonne idéale pour nous aider à le résoudre.

–þJ’en suis très honoré, monsieur le directeur de cabinet.

–þAllons, laissons les «þdirecteurs de cabinetþ» de côté.

Lemercier hocha la tête sans répondre.

–þVoilà,  vous  savez  que  cet  après-midi  auront  lieu  les

obsèques de ce pauvre Naudetþ?

«þBingoþ!þ» pensa Lemercier.

–þJe suis au courant.

–þIl se trouve que par la plus grande des malchances, le

ministre et ses plus proches collaborateurs sont obligés, je

dis  bien  obligés,  de  participer  à  une  réunion  avec  une

délégation chinoise de la plus haute importance. Rien que

des  personnalités  de  premier  plan.  Le  ministre  de  l’Inté-

rieur  lui-même.  On  m’a  même  parlé  du  propre  neveu  du

président  Hu  Jintao.  Le  ministre  ne  peut  absolument  pas

se permettre la moindre faute de tact envers cette déléga-

tion.  Il  aurait  aimé,  d’ailleurs,  vous  dire  tout  cela  lui-

même. Mais il est justement en train de les accueillir à leur

descente d’avion.

Appliquant sa vieille méthode d’interrogatoires, Lemercier

le regardait sans réagir. Pour ne pas laisser le silence s’ins-

taller, Cazier reprit dans la fouléeþ:

–þDonc,  mon  cher  Lemercier,  nous  avons  pensé  que

vous  étiez la personne idéale pour représenter le  Gouver-

nement,  l’État,  la  France,  aux  obsèques  de  ce  pauvre

brigadier-chef.  Et  présenter  à  sa  famille  les  sincères  condo-

léances de la République.

–þNon.

–þComment ça, nonþ?

–þNon. Je n’irai pas.

–þMais expliquez-vous, Lemercier. Vous refusez d’exécu-

ter un ordre du ministre lui-mêmeþ?

–þVous vous souvenez de la note que j’ai rédigée à votre

attention il y a une dizaine de jours concernant l’assaut du

garage  où  se  planquait  la  bande  des  plastiqueurs.  Note,

j’en conviens, que vous ne m’aviez pas réclamée. Pas plus

que  vous  ne  me  demandez  mon  avis  lorsqu’il  s’agit  de16

quelque chose que je crois pouvoir légitimement considé-

rer  comme  ma  spécialité.  Mais,  encore  une  fois,  j’avais

pensé,  bêtement,  que  je  pouvais  mettre  utilement  mon

expérience de ce genre d’opérations au service de la mai-

son.

–þMais  je  l’ai  lue  très  attentivement,  Lemercier,  très

attentivement…

–þBien sûr. Très attentivement. À travers le couvercle de

la poubelle. Et bien entendu, vous avez préféré écouter un

des génies qui vous entourent et essayer de tirer la couver-

ture à vous au détriment des gendarmes qui, sur ce coup-

là,  avaient  fait  un  boulot  de  premier  ordre.  Résultat,  les

malfrats  envolés  et  un  flic  sur  le  carreau  avec  une  balle

dans la tête.

–þEnfin,  Lemercier.  Il  s’agit  d’un  accident.  Un  accident

tragique, j’en conviens. Mais un accident…

–þQui aurait pu être évité si vous vous étiez donné la peine

de  lire  ma  note,  dans  laquelle  je  listais précisément tous les

risques liés au déclenchement  d’une opération sans coordi-

nation.  Et  que  je  sache,  le  petit  péteux  qui  a  pris  sur  lui  de

brusquer l’intervention, vous ne l’avez pas révoquéþ!

–þCela  ne  vous  regarde  pasþ!  D’abord,  il  s’agit  d’un  gar-

çon de grand talent. Qui a fait une erreur, je dois l’admet-

tre. Mais une erreur n’est pas un crime. Et jusqu’à preuve

du contraire, c’est encore le ministre, et personne d’autre,

qui nomme ou révoque le personnel de cette maison.

–þSurtout lorsqu’il s’agit du fils d’un sénateur de la majo-

rité.  C’est  exactement  ce  que  je  disais.  Et  pourquoi,  il  n’y

va  pas  à  l’enterrement,  le  garçon  de  grand  talentþ?  Il  est

indispensable à la réunion avec les Chinois, lui aussiþ?

–þAttention, Lemercier. Ça risque de vous coûter cher.

Lemercier avait repris son air extrêmement respectueux.

–þDe toute façon, il m’est impossible de me rendre à ces

obsèques, monsieur le directeur de cabinet.

–þImpossibleþ?

–þEh  ouiþ!  N’ayant  pas  été  prévenu  plus  tôt,  je  n’ai  pas

mon uniforme de divisionnaire. Je dois le récupérer après-

demain chez le tailleur.

–þVous vous foutez de moi, Lemercierþ?–þJe  ne  me  le  permettrais  pas,  monsieur  le  directeur  de

cabinet.  De  plus,  puis-je  vous  rappeler  la  récente  note  de

M.þle  ministre  lui-même  spécifiant,  je  cite  de  mémoireþ:

«þAfin de réduire au maximum les barrières symboliques et

renforcer,  au  sein  des  corps  d’encadrement  et  d’applica-

tion,  l’esprit  d’appartenance  à  un  organe  unique,  aucun

officier  supérieur  de  la  police  ne  devra  se  rendre  à  une

cérémonie  officielle  sans  son  uniforme.þ»  Je  crois  que  la

cérémonie de cet après-midi est l’exemple même de la cir-

constance  précisément  visée  par  ce  rappel.  Auquel  je

souscris avec enthousiasme, croyez-le bien.

Cazier,  les  yeux  éberlués,  le  regarda  se  diriger  vers  la

porte pour sortir.

–þJe vous souhaite une très bonne journée avec les Chinois,

monsieur le directeur de cabinet.

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